Préambule
Les partenaires sociaux européens, UNICE, UEAPME
et CEEP d'une part, et CES (et le comité de liaison EUROCADRES/CEC) d'autre part,
ont conclu le 16 juillet 2002 un accord cadre sur le télétravail. Cet accord prévoit
que le cadre général qu'il établit au niveau européen doit être mis en oeuvre
par les organisations membres des parties signataires, conformément aux procédures
et aux pratiques nationales spécifiques aux partenaires sociaux.
Soucieuses
de donner corps à l'engagement pris paritairement au niveau européen, les organisations
soussignées ont entendu procéder à cette mise en oeuvre en concluant le présent
accord.
Elles expriment à cette occasion leur volonté de donner
une traduction concrète à l'approche nouvelle du dialogue social européen que
constituent les " accords volontaires ". Elles entendent ainsi privilégier la
voie conventionnelle pour transcrire en droit interne les textes européens.
Considérant
que le télétravail constitue à la fois un moyen pour les entreprises de moderniser
l'organisation du travail et un moyen pour les salariés de concilier vie professionnelle
et vie sociale et de leur donner une plus grande autonomie dans l'accomplissement
de leurs tâches ;
Considérant que pour tirer le meilleur parti
du développement des technologies de l'information et de la communication, cette
forme d'organisation du travail doit allier sa souplesse à la sécurité des salariés
de sorte que la qualité des emplois soit accrue et que, notamment, les possibilités
offertes aux personnes handicapées sur le marché du travail soient renforcées
tant en matière d'insertion que de maintien dans l'emploi ;
Considérant
que le télétravail peut constituer un facteur de développement économique et une
opportunité pour l'aménagement du territoire de nature à favoriser l'emploi et
à lutter contre la "désertification" de certains territoires ;
Constatant
que le télétravail peut revêtir différentes formes (télétravail à domicile, télétravail
nomade,…) et répondre à des objectifs variés tant pour les entreprises que pour
les salariés (conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, modernisation
de l'organisation du travail, organisation spécifique…) ;
Les
signataires du présent accord ont arrêté les dispositions ci-après.
Commentaires
de Yves Lasfargue
Le
préambule est beaucoup plus
mesuré que les "Considérations
générales" de
l'accord
européen qui est un véritable
"Hymne au télétravail"!
Cet
accord fait suite à l'accord européen signé le 16 juillet
2002 dont les modalités devaient être négociées dans
chaque pays dans les 3 ans. Les
délais sont à peu près tenus puisque cet accord a été
signé le 19 juillet 2006. |
Article
1 - Définition
Le télétravail est une forme d'organisation
et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l'information dans
le cadre d'un contrat de travail et dans laquelle un travail, qui aurait également
pu être réalisé dans les locaux de l'employeur, est effectué hors de ces locaux
de façon régulière.
Cette définition du télétravail permet
d'englober différentes formes de télétravail régulier répondant à un large éventail
de situations et de pratiques sujettes à des évolutions rapides.
Elle
inclut les salariés " nomades " mais le fait de travailler à l'extérieur des locaux
de l'entreprise ne suffit pas à conférer à un salarié la qualité de télétravailleur.
Le caractère régulier exigé par la définition n'implique pas
que le travail doit être réalisé en totalité hors de l'entreprise, et n'exclut
donc pas les formes alternant travail dans l'entreprise et travail hors de l'entreprise.
On entend par télétravailleur, au sens du présent accord,
toute personne salariée de l'entreprise qui effectue, soit dès l'embauche, soit
ultérieurement, du télétravail tel que défini ci-dessus ou dans des conditions
adaptées par un accord de branche ou d'entreprise en fonction de la réalité de
leur champ et précisant les catégories de salariés concernés.
Commentaires
de Yves Lasfargue Par
rapport à l'accord cadre européen (juillet 2002): définition
plus large incluant explicitement les salariés "nomades". Mais
c'est au niveau de chaque entreprise ou de chaque branche que devra être
défini le mot "nomade".
|
Article
2 - Caractère volontaire
Le télétravail revêt un
caractère volontaire pour le salarié et l'employeur concernés. Le télétravail
peut faire partie des conditions d'embauche du salarié ou être mis en place, par
la suite, sur la base du volontariat. Dans ce cas, il doit faire l'objet d'un
avenant au contrat de travail.
Si un salarié exprime le désir
d'opter pour un télétravail, l'employeur peut, après examen, accepter ou refuser
cette demande.
Dans tous les cas, l'employeur fournit par
écrit au télétravailleur l'ensemble des informations relatives aux conditions
d'exécution du travail y compris les informations spécifiques à la pratique du
télétravail telles que le rattachement hiérarchique, les modalités d'évaluation
de la charge de travail, les modalités de compte rendu et de liaison avec l'entreprise,
ainsi que celles relatives aux équipements, à leurs règles d'utilisation, à leur
coût et aux assurances, etc.
Le passage au télétravail, en
tant que tel, parce qu'il modifie uniquement la manière dont le travail est effectué,
n'affecte pas la qualité de salarié du télétravailleur. Le refus d'un salarié
d'accepter un poste de télétravailleur n'est pas, en soi, un motif de rupture
de son contrat de travail.
En cas d'accord pour passer au
télétravail, une période d'adaptation est aménagée pendant laquelle chacune des
parties peut mettre fin à cette forme d'organisation du travail moyennant un délai
de prévenance préalablement défini. Le salarié retrouve alors un poste dans les
locaux de l'entreprise correspondant à sa qualification.
Commentaires
de Yves Lasfargue Par
rapport à l'accord cadre européen (juillet 2002): plus précis.
- Le
télétravail doit faire l'objet d'un contrat ou d'un avenant au contrat
de travail.
- Le passage au télétravail n'affecte pas la qualité
de salarié du télétravailleur.
|
Article
3 - Réversibilité et insertion
Si le télétravail
ne fait pas partie des conditions d'embauche, l'employeur et le salarié peuvent,
à l'initiative de l'un ou de l'autre, convenir par accord d'y mettre fin et d'organiser
le retour du salarié dans les locaux de l'entreprise. Les modalités de cette réversibilité
sont établies par accord individuel et/ou collectif.
Si le
télétravail fait partie des conditions d'embauche, le salarié peut ultérieurement
postuler à tout emploi vacant, s'exerçant dans les locaux de l'entreprise et correspondant
à sa qualification. Il bénéficie d'une priorité d'accès à ce poste.
Commentaires
de Yves Lasfargue Par
rapport à l'accord cadre européen (juillet 2002): plus large
car il traite le cas des salariés embauchés directement comme télétravailleurs. |
Article
4 - Conditions d'emploi
Les télétravailleurs bénéficient
des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux
salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l'entreprise.
Cependant, pour tenir compte des particularités du télétravail, des accords spécifiques
complémentaires collectifs et/ou individuels peuvent être conclus.
Article
5 - Protection des données
Il incombe à l'employeur
de prendre, dans le respect des prescriptions de la CNIL, les mesures qui s'imposent
pour assurer la protection des données utilisées et traitées par le télétravailleur
à des fins professionnelles.
L'employeur informe le télétravailleur
des dispositions légales et des règles propres à l'entreprise relatives à la protection
de ces données et à leur confidentialité.
Il l'informe également
:
Il
incombe au télétravailleur de se conformer à ces règles.
Commentaires
de Yves Lasfargue Par
rapport à l'accord cadre européen (juillet 2002): conforme à
l'accord et conforme au droit français. |
Article
6 - Vie privée
L'employeur est tenu de respecter
la vie privée du télétravailleur. A cet effet, il fixe, en concertation avec le
salarié, les plages horaires durant lesquelles il peut le contacter.
Si
un moyen de surveillance est mis en place, il doit être pertinent et proportionné
à l'objectif poursuivi et le télétravailleur doit en être informé. La mise en
place, par l'employeur, de tels moyens doit faire l'objet d'une information et
d'une consultation préalable du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués
du personnel dans les entreprises qui en sont dotées.
Commentaires
de Yves Lasfargue Par
rapport à l'accord cadre européen (juillet 2002): plus précis.
Rappel des dispositions légales et fixation d'une plage horaire durant
laquelle l'entreprise peut contacter le salarié. La
fixation de cette plage, en concertation avec le salarié, est très
importante pour éviter une interpénétration insupportable
entre vie professionnelle et vie privée. |
Article
7 - Équipements de travail
Sous réserve, lorsque
le télétravail s'exerce à domicile, de la conformité des installations électriques
et des lieux de travail, l'employeur fournit, installe et entretient les équipements
nécessaires au télétravail. Si, exceptionnellement, le télétravailleur utilise
son propre équipement, l'employeur en assure l'adaptation et l'entretien.
L'employeur
prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail,
en particulier ceux liés aux communications.
L'employeur fournit
au télétravailleur un service approprié d'appui technique. L'employeur assume
la responsabilité, conformément aux dispositions en vigueur, des coûts liés à
la perte ou à la détérioration des équipements et des données utilisés par le
télétravailleur.
En cas de panne ou de mauvais fonctionnement
des équipements de travail, le télétravailleur doit en aviser immédiatement l'entreprise
suivant les modalités fixées par celle-ci.
Le télétravailleur
prend soin des équipements qui lui sont confiés.
Commentaires
de Yves Lasfargue Par
rapport à l'accord cadre européen (juillet 2002): plus précis. |
Article
8 - Santé et sécurité
Les dispositions légales
et conventionnelles relatives à la santé et la sécurité au travail sont applicables
aux télétravailleurs. L'employeur doit veiller à leur strict respect.
L'employeur
informe le télétravailleur de la politique de l'entreprise en matière de santé
et de sécurité au travail, en particulier, des règles relatives à l'utilisation
des écrans de visualisation. Le télétravailleur est tenu de respecter et d'appliquer
correctement ces politiques de sécurité.
Afin de vérifier
la bonne application des dispositions applicables en matière de santé et de sécurité
au travail, l'employeur, les représentants du personnel compétents en matière
d'hygiène et de sécurité (CHSCT ou délégués du personnel dans les entreprises
qui en sont dotées) et les autorités administratives compétentes ont accès au
lieu du télétravail suivant les modalités prévues par les dispositions légales
et conventionnelles en vigueur. Si le télétravailleur exerce son activité à son
domicile, cet accès est subordonné à une notification à l'intéressé qui doit préalablement
donner son accord. Le télétravailleur est autorisé à demander une visite d'inspection.
Commentaires
de Yves Lasfargue Par
rapport à l'accord cadre européen (juillet 2002): plus précis
car il parle explicitement du CHSCT |
Article
9 - Organisation du travail
Le télétravailleur
gère l'organisation de son temps de travail dans le cadre de la législation, des
conventions collectives et règles d'entreprise applicables.
La
charge de travail, les normes de production et les critères de résultats exigés
du télétravailleur doivent être équivalents à ceux des salariés en situation comparable
travaillant dans les locaux de l'employeur. Des points de repères moyens identiques
à ceux utilisés dans l'entreprise sont donnés au télétravailleur. La charge de
travail et les délais d'exécution, évalués suivant les mêmes méthodes que celles
utilisées pour les travaux exécutés dans les locaux de l'entreprise, doivent,
en particulier, permettre au télétravailleur de respecter la législation relative
à la durée du travail et tout spécialement la durée maximale du travail et les
temps de repos.
L'employeur s'assure que des mesures sont
prises pour prévenir l'isolement du télétravailleur par rapport aux autres salariés
de l'entreprise. A cet effet, le télétravailleur doit pouvoir rencontrer régulièrement
sa hiérarchie. Il est souhaitable que l'employeur désigne, dans cette perspective,
un référent. Le télétravailleur doit également avoir la possibilité de rencontrer
régulièrement ses collègues et avoir accès aux informations et aux activités sociales
de l'entreprise. Il bénéficie des mêmes entretiens professionnels que les autres
salariés de l'entreprise. Il est soumis aux mêmes politiques d'évaluation que
ces autres salariés.
Commentaires
de Yves Lasfargue Par
rapport à l'accord cadre européen (juillet 2002): plus précis
sur le temps de travail. Comme
l'accord-cadre européen sur le télétravail, cet accord reconnait
l'importance de la mesure de la charge de travail . Mais
sans expliquer comment effectuer cette mesure... C'est
évidemment le point-clé à négocier dans chaque entreprise
: comment calculer la charge de travail du télétravailleur? |
Article
10 - Formation
Les télétravailleurs ont le même
accès à la formation et aux possibilités de déroulement de carrière que des salariés
en situation comparable qui travaillent dans les locaux de l'employeur.
Les
télétravailleurs reçoivent, en outre, une formation appropriée, ciblée sur les
équipements techniques à leur disposition et sur les caractéristiques de cette
forme d'organisation du travail. Le responsable hiérarchique et les collègues
directs des télétravailleurs doivent également pouvoir bénéficier d'une formation
à cette forme de travail et à sa gestion.
Commentaires
de Yves Lasfargue Par
rapport à l'accord cadre européen (juillet 2002): conforme. - Le
responsable hiérarchique et les collègues directs des télétravailleurs doivent
également pouvoir bénéficier d'une formation à cette forme de travail et à sa
gestion.
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Article
11 - Droits collectifs
Les télétravailleurs ont
les mêmes droits collectifs que les salariés qui travaillent dans les locaux de
l'entreprise, notamment en ce qui concerne leurs relations avec les représentants
du personnel et l'accès aux informations syndicales, y compris par les intranet
syndicaux dans les mêmes conditions que les autres salariés.
Ils
bénéficient des mêmes conditions de participation et d'éligibilité aux élections
pour les instances représentatives du personnel. Les télétravailleurs font partie,
au même titre que les autres salariés, des effectifs de l'entreprise pris en compte
pour la détermination des seuils. L'établissement auquel le télétravailleur sera
rattaché afin d'exercer ses droits collectifs est précisé dans le document prévu
à l'article 2 ci-dessus.
Le comité d'entreprise ou, à défaut,
les délégués du personnel dans les entreprises qui en sont dotées sont informés
et consultés sur l'introduction du télé travail et les éventuelles modifications
qui lui seraient apportées.
Les télétravailleurs sont identifiés
comme tels sur le registre unique du personnel.
Commentaires
de Yves Lasfargue Par
rapport à l'accord cadre européen (juillet 2002): plus précis.
- Le comité
d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel dans les entreprises qui
en sont dotées sont informés et consultés sur l'introduction du télé travail et
les éventuelles modifications qui lui seraient apportées.
- Les
télétravailleurs sont identifiés comme tels sur le registre unique du personnel.
Remarque
: On peut regretter
que l'accord n'incite pas à la négociation de mise en place d'intranets
syndicaux. |
Article
12 - Application
La définition du télétravail visée
au 1er alinéa de l'article 1 du présent accord ne peut faire l'objet d'une dérogation.
Il ne peut être dérogé, pour son application, aux dispositions des articles 2,
4, 6, 8, 9, 10 et 11 ci-dessus.
Il ne peut également être
dérogé au principe de réversibilité et d'insertion posé par l'article 3 ci-dessus,
ni au 1er alinéa de l'article 7, dont les modalités de mise en oeuvre peuvent
être adaptées par accord collectif en fonction des caractéristiques de la branche
ou de l'entreprise.
Article
13 - Suivi
Les signataires du présent accord informeront
les organisations européennes, signataires de l'accord cadre du 16 juillet 2002,
dont elles sont membres des résultats des présentes négociations et des modalités
d'application de l'accord-cadre européen qu'elles ont décidées selon les dispositions
de l'article 12 dudit accord.
Article
14 - Extension
L'extension du présent accord
sera demandée à l'initiative de la partie signataire la plus diligente.
Commentaires
de Yves Lasfargue L'extension
à tous les secteurs d'activité a fait l'objet d'un arrété
du 30 mai 2006. Voici
l'analyse da la CFDT
Cadres concernant cette extension: "La forme de
l'ANI pose précisément des questions quant à l'application de l'accord. L'accord
français a été étendu par l'arrêté du 30 mai 2006 ; il a pour effet de rendre
obligatoires les dispositions de l'accord à l'ensemble des entreprises dont l'activité
est comprise dans les secteurs professionnels où les signataires patronaux (MEDEF,
UPA et la CGPME) sont représentés. Le " hors champ ", c'est-à-dire les
secteurs dont les employeurs ne sont pas adhérents au MEDEF, à l'UPA ou à la CGPME
(agriculture, économie sociale, presse, audiovisuel, spectacle vivant…) n'est
donc pas soumis à cet accord. Des accords d'entreprise peuvent néanmoins
être négociés dans ces secteurs. De même, les entreprises à participation
publique ou qui assurent des activités d'intérêt économique général ne sont pas
liées par l'accord français. Par contre, elles ont pris l'engagement au niveau
européen par l'entremise de la CEEP, leur organisation patronale de décliner cet
accord et la CFDT estime que cet engagement doit être alors tenu dans des négociations
d'entreprise. " |
Fait
à Paris le 19 juillet 2005
Pour le MEDEF
Pour la CGPME
Pour l'UPA
Pour
la CFDT
Pour la CFE-CGC
Pour la CFTC
Pour
la CGT-FO
Pour la CGT