TÉLÉTRAVAIL :
ANALYSE
CRITIQUE PAR YVES LASFARGUE
DE LA PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE LE 9 JUIN
2009
Télétravail
: une loi nécessaire … mais moins rassurante pour
les salariés
que l'accord
national de 2005
L'Assemblée
Nationale a adopté le 9 juin
2009, en première lecture, un
texte sur le télétravail qui
doit faire l'objet de débats
au Sénat en octobre 2009.
Pour
la première fois le code du
travail va comporter, quand
la loi sera définitivement adoptée,
des éléments concernant le télétravail,
sujet totalement ignoré jusqu'alors
dans ce code.
Ce
texte de loi se caractérise
:
Cette loi donnera enfin
un statut juridique incontestable au télétravail
permettant de rassurer les entreprises
et les salariés voulant mettre en place
ce type d'organisation du travail.
Mais elle est beaucoup
moins précise que le texte de l'accord
national de 2005 sur un certain nombre
de protections concernant le télétravailleur:
- Elle ne prend pas
en compte explicitement les travailleurs
" nomades "
- elle n'aborde ni les
problèmes de période d'adaptation, ni
les problèmes de santé, ni les problèmes
de formation, ni les problèmes de charge
de travail, …
- elle ne parle pas
des droits collectifs : en particulier
n'est pas mentionnée la nécessité d'informer
et de consulter le comité d'entreprise
comme le prévoyait l'accord national.
Il faut regretter surtout
que cette loi ne reprenne pas une disposition
très importante de l'accord : " Les
télétravailleurs sont identifiés comme
tels sur le registre unique du personnel
". Pourtant seule cette identification
permet une totale transparence sur l'importance
du télétravail dans l'entreprise et de
faire diminuer le télétravail " sauvage
" ou " gris " (c'est-à-dire non explicitement
reconnu par un contrat ou un avenant)
au profit du télétravail négocié.
Cela dit, cette loi ne
supprime pas l'Accord
National sur le télétravail et les
salariés et leurs représentants, dans
les entreprises couvertes par l'accord
(qui a déjà fait l'objet d'un arrêté d'extension
le 30 mai 2006) peuvent toujours s'appuyer
sur cet accord.
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ANALYSE CRITIQUE DE LA PROPOSITION
DE LOI
POUR FACILITER LE MAINTIEN
ET LA CREATION D'EMPLOIS
adoptée par l'Assemblée Nationale
en première lecture le 9 juin 2009
Cette loi comporte
5 titres : seul le titre IV concerne le télétravail.
TITRE I : DÉVELOPPEMENT
DES GROUPEMENTS D'EMPLOYEURS (articles 1 à 5)
TITRE II : ENCOURAGEMENT
À LA MOBILITÉ PROFESSIONNELLE (articles 6 à 7)
TITRE III : SOUTIEN À L'EMPLOI DES JEUNES ET À
LA PROFESSIONNALISATION (article 8)
TITRE IV : PROMOTION
DU TÉLÉTRAVAIL (articles 9 à 11)
TITRE V : SOUTIEN AUX SENIORS EN DIFFICULTÉ (articles
12 à 13)
ANALYSE
DU TITRE IV
PROMOTION DU TÉLÉTRAVAIL (articles 9 à 11)
Commentaire d'Yves Lasfargue
Le débat
sur le télétravail a été
marqué, entre autres, par deux amendements
caractéristiques des réactions
"curieuses" que peut provoquer
le terme "télétravail"
D'une part,il faut remarquer
la position des députés communistes
qui ont défendu l'amendement suivant:"Supprimer
l'article 9". Pour justifier cet amendement,
Roland Museau, député PCF,
a déclaré : "Le télétravail,
nouvelle mouture de l'exploitation des salariés,
...". Ce rejet total du télétravail
est en contradiction de la position de TOUTES
les organisations syndicales (CFDT ; CFE-CGC
; CFTC ; CGT-Force ouvrière ; CGT) qui ont
signé l'Accord
National Interprofessionnel (ANI télétravail
du 19 juillet 2005) .
D'autre part, l'amendement
du député UMP Lefèvre
(proposé en commission, mais retiré
avant le débat en séance publique)
proposant que certains salariés en
arrêt de travail puissent télétravailler.(voir
le texte complet et sa justification en
fin d'analyse).
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Article
9
Le chapitre II du
titre II du livre II de la première partie du
code du travail est complété par une section 4
ainsi rédigée :
" Section 4
" Télétravail
" Art. L. 1222-9
-
Sans préjudice de l'application, s'il y a lieu,
des dispositions du présent code protégeant les
travailleurs à domicile, le télétravail désigne
toute forme d'organisation du travail dans laquelle
un travail, qui aurait également pu être exécuté
dans les locaux de l'employeur, est effectué par
un salarié hors de ces locaux de façon régulière
et volontaire en utilisant les technologies de
l'information dans le cadre d'un contrat de travail
ou d'un avenant à celui-ci.
" Le télétravailleur
désigne toute personne salariée de l'entreprise
qui effectue, soit dès l'embauche, soit ultérieurement,
du télétravail tel que défini au précédent alinéa.
Commentaire d'Yves Lasfargue
La définition
du télétravail et celle du télétravailleur
reprennent celles de l'Accord
National Interprofessionnel (ANI télétravail
du 19 juillet 2005) (article 2). Toutefois,
une grande différence concerne les salariés
" nomades " : la définition de l'ANI les
inclue explicitement parmi les télétravailleurs
alors que le texte de loi n'en parle pas.
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" Le refus d'accepter
un poste de télétravailleur n'est pas un motif
de rupture du contrat de travail.
Commentaire d'Yves Lasfargue
cette phrase
(et l'adjectif " volontaire " de la définition)
reprend le principe du " volontariat " développé
de manière plus précise dans l'ANI télétravail
(une vingtaine de lignes dans l'article
2).
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" Le contrat de travail
ou son avenant précise les conditions de passage
en télétravail et les conditions de retour à une
exécution du contrat de travail sans télétravail.
" À défaut d'accord collectif applicable, le contrat
de travail ou son avenant précise les modalités
de contrôle du temps de travail.
Commentaire d'Yves Lasfargue
cette nécessité
d'un contrat ou d'un avenant était déjà
prévue dans l'article 2 de l'ANI télétravail.
Le respect de cette obligation est impératif
si l'on veut passer du télétravail " gris
" ou " sauvage ", largement majoritaire
aujourd'hui au télétravail " négocié ".
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" Art. L. 1222-10.
- Outre ses obligations de droit commun vis-à-vis
de ses salariés, l'employeur est tenu, à l'égard
du salarié en télétravail :
" 1° De prendre en
charge tous les coûts découlant directement de
l'exercice du télétravail, notamment le coût des
matériels, logiciels, abonnements, communications
et outils, ainsi que de la maintenance de ceux-ci
;
Commentaire d'Yves Lasfargue
cette obligation,
prévue aussi dans l'ANI télétravail (article
7 ) parait évidente et permet que la prise
en charge ou les remboursements des coûts
liés au télétravail ne soient pas considérés
comme des avantages en nature par le fisc
ou les organismes sociaux.
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" 2° D'informer le
salarié de toute restriction à l'usage d'équipements
ou outils informatiques ou de services de communication
électronique et des sanctions en cas de non-respect
de telles restrictions ;
Commentaire d'Yves Lasfargue
cette nécessité
d'informer sur les problèmes de sécurité
reprend l'article 8 " Santé et sécurité
" de l'ANI télétravail. La loi aborde le
problème " sécurité des données " mais pas
du tout le thème " santé du télétravailleur
".
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" 3° De lui donner
priorité pour occuper ou reprendre un poste sans
télétravail qui correspond à ses qualifications
et compétences professionnelles et de porter à
sa connaissance la disponibilité de tout emploi
de cette nature ;
Commentaire d'Yves Lasfargue
L'article 3
" Réversibilité et insertion " de l'ANI
télétravail est plus détaillé et réserve
la priorité aux salariés pour lesquels "
le télétravail fait partie des conditions
d'embauche ".
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" 4° (nouveau) De
fixer, en concertation avec lui, les plages horaires
durant lesquelles il peut habituellement le contacter.
"
Commentaire d'Yves Lasfargue
Cet article
ne figurait pas dans la proposition de loi
initiale et a été introduit pendant le débat
à l'Assemblée Nationale. L'Article 6 " Vie
privée " de l'ANI télétravail justifiait
cette nécessité de fixer une plage de disponibilité
: " L'employeur est tenu de respecter la
vie privée du télétravailleur. A cet effet,
il fixe, en concertation avec le salarié,
les plages horaires durant lesquelles il
peut le contacter. ".
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Commentaire d'Yves Lasfargue
On doit regretter deux "oublis" importants
dans cet article 9. Il ne parle pas des
droits collectifs : en particulier n'est
pas mentionnée la nécessité d'informer et
de consulter le comité d'entreprise comme
le prévoyait l'accord national.
Il faut regretter surtout
que cette loi ne reprenne pas une disposition
très importante de l'accord : " Les télétravailleurs
sont identifiés comme tels sur le registre
unique du personnel ". pourtant seule cette
identification permet une totale transparence
sur l'importance du télétravail dans l'entreprise.
Elle permet aussi de faire diminuer le télétravail
" sauvage " ou " gris " au profit du télétravail
négocié.
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Article 9 bis
(nouveau)
En cas de circonstances
exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie,
la mise en œuvre du télétravail est considérée
comme un aménagement du poste de travail rendu
nécessaire pour permettre la continuité de l'activité
de l'entreprise et garantir la protection des
salariés.
Commentaire d'Yves Lasfargue
cet article
ne figurait pas dans la proposition de loi
initiale et a été introduit pendant le débat
à l'Assemblée Nationale. Il ne parle ni
de concertation, ni de négociation et semble
totalement en contradiction avec le côté
" volontaire " du télétravail contenu dans
la définition. dé.
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Article 10
Après le cinquième
alinéa de l'article L. 5313-1 du code du travail,
il est inséré un alinéa ainsi rédigé : " Les maisons
de l'emploi ont également pour mission de promouvoir
les offres d'emploi proposées en situation de
télétravail. "
Commentaire d'Yves Lasfargue
Il faut espérer
que les maisons de l'emploi ont pour mission
de " promouvoir aussi " et non de "promouvoir
d'abord " les emplois proposés en situation
de télétravail. Les emplois en télétravail
ne sont ni meilleurs, ni moins bons que
les autres…
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Article 11
Dans un délai d'un
an à compter de la date de la promulgation de
la présente loi, le Gouvernement présente un rapport
au Parlement sur les mesures visant à promouvoir
et à développer le télétravail au sein des administrations
publiques.
Commentaire d'Yves Lasfargue
cet article
comporte deux originalités importantes.
Dune part, il parle de " télétravail au
sein des administrations publiques ", mais
ne définit pas les modalités de ce
télétravail. En effet, les articles 8, 9
et 10 parlent de modifier le code du travail
… alors que ce code ne s'applique pas aux
administrations.
D'autre part, il fixe un objectif de promotion
et de développement du télétravail : ce
qui est pour le moins discutable car l'organisation
de type " télétravail " n'est ni meilleure
ni moins bonne que les autres.. Ne pas freiner
les fonctionnaires et les services désireux
de mettre en place le télétravail serait
déjà un objectif suffisant.
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